Comptocormie : Définition et prise en charge (Que faire ?)

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La camptocormie, ou « Bent Spine Syndrome » (BSS), est un trouble de la posture, souvent méconnu, qui touche le sujet âgé.

Qu’est-ce que la camptocormie ?

L’étymologie du terme « camptocormie » vient du grec ancien : « kamptos » qui signifie « se pencher, et « cormos » désignant le tronc. Il a été utilisé pour la première fois en 1915 pour faire référence à l’incurvation du tronc secondaire à des traumatismes du rachis.

La camptocormie, qu’on appelle également « Bent Spine Syndrome » ou encore « cyphose lombaire progressive », n’est pas une maladie en soi, mais un symptôme ou signe clinique d’une affection sous-jacente.

Il s’agit d’une flexion antérieure involontaire du tronc, accompagnée d’une hypolordose lombaire, voire d’une cyphose lombaire à un stade avancé.

Définition des termes :

  • Hypolordose : diminution de la courbure lombaire, mais elle reste concave (creusée).
  • Cyphose lombaire : inversion de la courbure lombaire. Elle devient convexe, au lieu d’être concave à l’état normal.

Pour en savoir plus sur la différence entre cyphose et lordose, consultez l’article suivant.

La camptocormie survient à l’effort ou en position debout. Elle est totalement ou en grande partie réductible en position couchée ou volontairement grâce à des efforts de redressement. Cette particularité permet de faire la part des choses avec les déformations du rachis d’origine ostéoarticulaires qui, elles, ne sont pas réductibles même en position couchée.

Quelles sont les causes de la camptocormie ?

La camptocormie est consécutive à un déficit de la musculature du rachis, essentiellement au niveau de la région lombaire. Les muscles touchés sont des extenseurs innervés par la branche postérieure du nerf rachidien. Leur dysfonction peut être d’origine musculaire ou neurologique.

Les causes derrière la dysfonction de ces muscles spinaux extenseurs sont nombreuses et généralement intriquées. On peut citer :

  • Origine neurologique : de nombreuses affections neurologiques peuvent inclure dans leur tableau clinique le symptôme qu’est la camptocormie. On peut citer la sclérose latérale amyotrophique (SLA ou maladie de Charcot), la maladie de Parkinson, le canal lombaire étroit, l’accident vasculaire cérébral (AVC), le syndrome post-poliomyélitique, la polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique avec atteinte de la branche postérieure du nerf rachidien innervant les muscles spinaux extenseurs…
  • Origine iatrogène : la camptocormie peut être la complication d’un acte chirurgical, notamment dans le cadre d’une chirurgie de la colonne vertébrale (une laminectomie pour un canal lombaire étroit par exemple) avec atteinte du nerf rachidien responsable de l’innervation des muscles paravertébraux extenseurs.
  • Origine paranéoplasique : certains cancers peuvent s’accompagner de camptocormie.
  • Maladies générales : telles que l’hypothyroïdie ou l’ostéomalacie.
  • Origine psychiatrique : une camptocormie peut entrer dans le cadre d’une crise hystérique. En général, ce sont les sujets de sexe féminin qui sont concernés.

Dans la plupart des cas, aucune cause n’est mise en évidence. On a alors affaire à une myopathie axiale primaire ou idiopathique. Certains auteurs la qualifient de « myopathie d’apparition tardive des extenseurs spinaux » (MTES), ou bien de « myopathie paravertébrale de révélation tardive ».

 

On assiste fréquemment à des formes familiales de camptocormie (plusieurs membres d’une même famille atteints). La prédisposition génétique est donc probablement l’un des facteurs de risque de ce trouble postural.

Caractéristiques cliniques de la camptocormie

Voici à quoi on reconnaît une personne présentant une camptocormie :

  • Elle se penche en avant lors de la position debout ou de la marche.
  • Elle tente de maintenir son équilibre sur le plan sagittal (pour éviter de tomber en avant) en compensant le déficit d’extension du tronc par une extension de la hanche, une semi-flexion des genoux et un appui avec les mains sur les cuisses.
  • Elle amène sa tête en arrière en réalisant une hyperextension du cou lorsqu’elle est sur le point de tomber en avant.
  • La courbure du tronc disparait en position couchée.
  • À un stade avancé, il peut se développer des troubles orthopédiques tels qu’une cyphose dorsale et/ou lombaire irréductible, un flessum des genoux, un flessum des hanches.

Flessum : ou flexum, c’est la perte de mobilité d’une articulation, son enraidissement et son blocage en position plus ou moins fléchie.

Comment se pose le diagnostic de camptocormie ?

Le diagnostic de camptocormie repose en grande partie sur l’interrogatoire et l’examen clinique du patient. Les caractéristiques cliniques de la camptocormie permettent de confirmer assez facilement son existence, surtout dans les stades avancés.

Après avoir confirmé qu’il s’agit bien d’une camptocormie, et non d’un trouble ostéoarticulaire ou autre diagnostic différentiel, la suite de la démarche diagnostique consistera à déterminer son étiologie (la maladie causale).

Pour ce faire, le médecin peut prescrire plusieurs examens complémentaires :

 

  • Bilan biologique : une prise de sang est réalisée à la recherche de marqueurs biologiques de certaines affections (formule sanguine, marqueurs inflammatoires, fonction thyroïdienne et parathyroïdienne, anticorps auto-immuns…).
  • Radiographie standard : elle peut se révéler utile pour rechercher une étiologie à la camptocormie. La radiographie standard de la colonne vertébrale de face et de profile peut mettre en évidence des signes d’atteinte ostéoarticulaire excluant le diagnostic de camptocormie tels qu’un tassement vertébral, une ostéoporose, des signes en faveur de spondylarthrite ankylosante… Par ailleurs, elle permet d’objectiver une hypolordose lombaire et confirmer le caractère réductible de la courbure du tronc en réalisant des clichés en position couchée.
  • IRM ou tomodensitométrie (scanner) : ces examens d’imagerie permettent d’étudier plus en détail les muscles paravertébraux. Ils peuvent parfois mettre en évidence des signes de myopathie avec infiltration graisseuse des muscles paravertébraux extenseurs.
  • Électroneuromyographie : cet examen permet d’éliminer une atteinte de la jonction neuromusculaire (zone de communication entre un muscle et le nerf qui le contrôle) ou autre atteinte nerveuse telle qu’une compression radiculaire dans le cadre d’un canal lombaire étroit.
  • Biopsie musculaire : elle est parfois nécessaire au niveau des muscles paravertébraux extenseurs pour mettre en évidence d’éventuelles modifications histologiques (infiltration graisseuse du muscle).

 

 

Quels sont les traitements de la camptocormie ?

Au terme des investigations cliniques et paracliniques, on peut se retrouver dans l’une des deux situations suivantes :

  • Soit une maladie sous-jacente est retrouvée (ce qui est assez peu fréquent). Le traitement de la camptocormie consiste alors à traiter spécifiquement cette maladie sous-jacente (chirurgie si canal lombaire étroit, traitement hormonal de synthèse si hypothyroïdie, Lévodopa si maladie de Parkinson…).
  • Soit aucune cause n’est retrouvée (le bilan biologique est normal, l’imagerie et l’électroneuromyographie ne montrent que des signes non spécifiques, la biopsie musculaire ne montre qu’une infiltration graisseuse anormale…). On a alors affaire à une camptocormie idiopathique ou « myopathie tardive paravertébrale » dont le traitement est purement symptomatique (voire palliatif parfois).

La prise en charge d’une camptocormie doit être précoce et pluridisciplinaire afin d’éviter son aggravation. En effet, les traitements utilisés visent uniquement à stopper, ou du moins ralentir, l’évolution du déficit, car malheureusement, obtenir une amélioration est rare en cas de camptocormie idiopathique.

Traitements médicamenteux

Il n’existe actuellement aucun traitement ayant prouvé son efficacité dans le ralentissement de l’évolution des camptocormies idiopathiques. Des antalgiques peuvent être prescrits en cas de douleurs dorsolombaires associées.

Rééducation

Le traitement de la camptocormie est en grande partie basé sur la kinésithérapie (physiothérapie). Les protocoles ne sont pas clairement définis, mais elle est indispensable.

Au stade initial, les séances de kinésithérapie peuvent inclure des exercices :

  • De renforcement des muscles paravertébraux.
  • De renforcement des muscles de la ceinture pelvienne et des membres inférieures.
  • De kinésie cardio-respiratoire (la déformation du tronc comprime les poumons et le cœur, ce qui gêne leur fonctionnement).
  • De rééducation posturale.
  • De travail proprioceptif (sensibilité profonde).
  • D’étirement musculaire.

À un stade plus avancé, une fois l’amyotrophie paravertébrale évoluée, les séances de kinésithérapie viseront à limiter les rétractions musculaires, tendineuses, ligamentaires et capsulaires pour réduire les attitudes vicieuses. Elles ont aussi pour but de soulager certaines douleurs grâce à des techniques antalgiques et à la physiothérapie.

En plus de la rééducation, il est essentiel pour un patient atteint de camptocormie de pratiquer une activité physique régulière et d’avoir une alimentation équilibrée afin d’éviter une prise de poids qui compliquerait grandement sa situation.

Corset

Un corset spécialement conçu pour corriger l’antéflexion du tronc et pour retrouver (ou préserver) la lordose lombaire est prescrit aux patients atteints de camptocormie. Il est généralement conseillé de le porter au moins 4 h par jour (réparties sur la journée), bien que la durée du port dépende d’un patient à un autre.

Plusieurs autres types de corsets d’extension du tronc existent et peuvent être utilisés. Le plus important est de les adapter régulièrement en fonction de l’évolution de l’antéflexion et des plaintes du patient.

Chirurgie

Les indications ne sont pas encore clairement définies et sont étudiées au cas par cas. La chirurgie de la colonne vertébrale peut être envisagée en cas d’aggravation de la camptocormie malgré un traitement conservateur bien conduit (médicaments, rééducation, corset lordosant…).

L’une des modalités chirurgicales radicales de la camptocormie consiste à fusionner plusieurs vertèbres du rachis lombaire et dorsal (arthrodèse). Cela permet de redresser la colonne vertébrale, au prix de son immobilisation…

Pour en savoir plus sur l’arthrodèse lombaire, consultez l’article suivant.

Cette option est réservée aux patients motivés et en bon état général, car elle est très lourde et implique de longues et difficiles séances de rééducation, sans parler de ses nombreuses complications à court et à long terme.

Ressources (vidéos)

Références

[1]  T. Stojkovic, « Camptocormie : diagnostic et prise en charge », Pratique Neurologique – FMC, vol. 6, no 2, p. 71‑79, mars 2015, doi: 10.1016/j.praneu.2015.01.002.

[2]  M. Hogge et A. Debrun, « La camptocormie : du diagnostic au traitement », Rev Med Brux, p. 5, 2016.

[3]  J. Finsterer et W. Strobl, « Presentation, etiology, diagnosis, and management of camptocormia », European neurology, vol. 64, no 1, p. 1‑8, 2010.

[4]  K. Karbowski, « The old and the new camptocormia », Spine, vol. 24, no 14, p. 1494, 1999.

[5]  M. Laroche, M. B. Delisle, R. Aziza, J. Lagarrigue, et B. Mazieres, « Is camptocormia a primary muscular disease? », Spine, vol. 20, no 9, p. 1011‑1016, 1995.

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