Rôle du kinésithérapeute dans le mal de dos : tout savoir

Partagez avec vos proches concernés
4.1
(7)

Qui d’entre vous n’a jamais eu mal au dos ? Comme le rhume, le mal de dos fait partie des expériences les plus communes. Il semble que la grande majorité de la population soit concernée par ce type de douleur tôt ou tard dans sa vie (environ 80%). Seule une petite partie des maux de dos devient chronique, et constitue alors un problème majeur de santé publique.

Comment prendre en charge le mal de dos chronique dans notre système de santé ? En France, les recommandations de la Haute Autorité de Santé sont claires : la prise en charge doit être pluridisciplinaire et individualisée. Parmi les acteurs de santé concernés, on retrouve la kinésithérapie (appelée ainsi en France et en Belgique, et physiothérapie dans les autres pays).

Je m’appelle Éric et je suis kinésithérapeute. Le mal de dos fait partie intégrante de mon quotidien. Tous les jours je travaille avec des patients qui en souffrent, et heureusement c’est l’une des choses qui m’intéressent le plus au monde. Beaucoup de mes patients ont déjà consulté au moins un de mes confrères auparavant.

Pourtant, qui peut se targuer de définir clairement ce qu’est la kinésithérapie ? La profession entière et ses pratiques sont en constante évolution, et de nombreux courants différents coexistent actuellement. Si vous consultez 10 kinésithérapeutes différents, il est fort probable que l’on ne vous proposera pas 10 fois le même traitement.

Comment définir le rôle de la kinésithérapie pour le mal de dos ? Que peut-on attendre d’une prise en charge avec un kinésithérapeute ? Dans cet article nous allons faire un état des lieux des différents rôles et outils de ce métier de la rééducation, dans le cadre de la lombalgie. Cet article reflète mon point de vue de kinésithérapeute qui tente d’adopter une pratique basée sur les preuves scientifiques actuelles.

Identifier les éléments qui font persister vos douleurs

Si vous venez me consulter pour un mal de dos, l’une des premières choses que je garde à l’esprit est de rechercher les facteurs de chronicisation. Ce sont les éléments qui risquent de faire persister votre douleur plus longtemps que prévu. Bien que le médecin ait commencé ce travail lorsque vous l’avez consulté, l’ensemble des professionnels de santé y participe.

Si vous ressentez beaucoup d’anxiété et d’inquiétude à propos de vos douleurs, si ces douleurs sont en lien avec des problèmes personnels ou professionnels, ce sont des éléments importants à identifier. Le kinésithérapeute n’est pas habilité à traiter seul toutes ces choses. Cela permet parfois d’adapter la prise en charge et de vous orienter vers les bonnes ressources.

Pour permettre cela, la relation thérapeutique entre vous et votre kinésithérapeute doit être solide et bienveillante. Il me paraît primordial de prendre le temps de vous écouter et d’approfondir avec vous votre situation actuelle. Ce n’est pas toujours facile de décrire ce que l’on ressent à quelqu’un d’autre, d’où la nécessité d’une bonne confiance en votre thérapeute.

Comprendre et gérer différemment la situation

Mon rôle de kinésithérapeute n’est pas uniquement de vous faire faire des mouvements ou des exercices. La façon dont vous comprenez et gérez votre situation est également primordiale. Dès lors, le kiné vous apporte des informations importantes. Que se passe-t-il dans votre corps ? Que pouvez-vous faire pour améliorer cela ? Combien de temps cela peut-il prendre ?

Chaque jour, des personnes me consultent sans avoir reçu d’explication claire sur ce qui leur arrive. Le médecin n’a parfois pas eu le temps de répondre à certaines de vos questions. Cela entraine de l’inquiétude et de l’anxiété, des facteurs qui ont tendance à faire persister les douleurs ! Il apparaît alors essentiel de discuter à ce sujet dès le début de la prise en charge. Qu’est-ce qui vous inquiète le plus au sujet de vos douleurs ?

Ces informations peuvent aussi guider votre choix de traitement. Quelles sont les différentes possibilités de traitement kinésithérapique et qu’impliquent-elles ? Les nombreux moyens utilisés en rééducation (exercices, étirements, massage, etc) ont souvent des effets différents au court terme et au long terme.  Vous pouvez alors comprendre, choisir et vous impliquer plus facilement dans le traitement en question.

Un aspect crucial est l’éducation à l’auto-rééducation. Si le temps que vous passez avec le kinésithérapeute est important, le temps passé entre chaque séance doit également être mis à profit. Le kinésithérapeute vous apprend alors ce que vous pouvez faire au quotidien. Il s’agit par exemple de mouvements à faire chez vous ou au travail.

Soulager la douleur

L’un des objectifs communs entre le kiné et le patient est souvent de diminuer la douleur. Soit il s’agit de la demande initiale et de la plainte elle-même, soit c’est une étape nécessaire pour parvenir à bouger davantage.

Les kinésithérapeutes peuvent utiliser un ensemble de techniques manuelles pour soulager la douleur. Il peut s’agir de massages ou de mobilisations (le kiné fait bouger une partie de votre corps). Les deux peuvent être combinés. Certains utilisent également des manipulations, qui peuvent entraîner un bruit articulaire (le fameux crac !).

Il existe autrement un certain nombre de techniques purement antalgiques (c’est-à-dire anti-douleur). Il s’agit par exemple de l’application de chaleur ou de froid, ou de l’utilisation d’électrostimulation cutanée (le TENS).

Certaines techniques, néanmoins, n’offrent pas d’intérêt au-delà de l’effet placebo et leur présence dans une prise en charge moderne est plus discutable. Il s’agit par exemple des ultrasons ou du laser. Aucune machine onéreuse n’a pour l’instant montré d’efficacité intéressante.

L’utilisation exclusive de techniques antalgiques fait débat dans notre profession, car malgré la satisfaction ressentie, les possibilités d’amélioration au long terme sont très minces.

Si ces outils peuvent faire partie de la prise en charge, les approches actives doivent les compléter. En effet, ces dernières peuvent également soulager la douleur, tout en apportant une myriade de bénéfices au long terme.

Remettre en mouvement par des approches actives

Les approches actives désignent tout ce que vous pouvez faire par vous-même, par opposition aux approches passives dans lesquelles vous recevez passivement le traitement (un massage par exemple). On désigne habituellement sous cette appellation tous les exercices et mouvements que vous pouvez découvrir, explorer et reproduire de votre côté.

En réalité, les termes « mouvements » et « exercices » sont très vagues et peuvent désigner de nombreuses choses différentes. Nous utilisons par exemple des étirements, des mouvements répétés, du renforcement musculaire, de l’entrainement en aérobie, du travail de positionnement et d’activation musculaire, et d’autres encore.

Plusieurs méthodes de rééducation ont vu le jour au fil des années. La plus connue du grand public, en France en tout cas, est certainement la méthode McKenzie.

Pourtant, il en existe d’autres, comme la Thérapie Cognitive Fonctionnelle, le contrôle moteur ou le concept Mulligan. D’autres approches issues du monde du bien-être peuvent y figurer : le yoga et le Pilates principalement.

Si les défenseurs de chaque approche sont convaincus du bien-fondé de la leur, il est important de rappeler qu’à ce jour, aucune d’entre elles n’a prouvé sa supériorité. Le plus important pourrait être de trouver une approche qui vous convient et de travailler avec un thérapeute habitué à celle-ci.

Si l’on s’y intéresse de plus près, on remarque que ces approches ont des points communs importants à souligner. Elles cherchent à vous faire bouger davantage, d’une façon ou d’une autre. Elles vont souvent consister à choisir un mouvement ou une façon de bouger qui va améliorer vos symptômes. Enfin, elles mettent l’accent sur l’auto-prise en charge, c’est-à-dire sur ce que vous allez faire de votre côté pour progresser.

Pour beaucoup d’entre vous, tous les jours ne se ressemblent pas. Il y a de bons jours, pendant lesquels on se sent prêt à bouger, et de mauvais jours, pendant lesquels les exercices semblent irréalisables. Il est primordial de se sentir capable d’adapter ses exercices en fonction de son état.

Pour apprendre à adapter vos exercices, j’ai créé une méthode regroupant plus de 180 mouvements organisés en 5 niveaux de difficultés. Pour en savoir plus : Méthode d’exercices Comprendre Son Dos

Aider à la gestion des activités quotidiennes

Le kinésithérapeute vous aide également à poursuivre ou reprendre vos activités préférées, qu’il s’agisse d’activités physiques ou d’autres loisirs. Beaucoup d’entre vous ont dû abandonner ou fortement restreindre les activités qu’ils aimaient. Pour un patient que j’ai vu récemment, il s’agissait de pouvoir soulever ses petits-enfants et de pouvoir jouer avec eux.

Une partie de la rééducation consiste donc à trouver des stratégies de gestion des activités. Pour certains, il s’agira surtout de doser différemment les efforts, la durée, la vitesse, la façon de faire… Pour d’autres, il s’agira de fractionner ces activités.

Lorsqu’il s’agit d’un retour à l’activité physique après une longue pause, le kinésithérapeute construit avec vous un programme de reprise, adapté à vos capacités. Nous parlons de quantification du stress mécanique.

Parfois, le kinésithérapeute apporte des outils pour gérer une situation quotidienne difficile. Un exemple typique est le déverrouillage matinal, c’est-à-dire le fait de ressentir davantage de raideur et de douleur au réveil. Certaines personnes ont besoin d’une heure ou plus pour se « dérouiller » le matin. Des séries d’exercices peuvent vous aider à démarrer votre journée plus rapidement.

Vous pouvez également vous procurer le Programme Déverrouillage Matinal, spécialisé sur les raideurs lombaires matinales, ici : Programme Déverrouillage Matinal.

Accompagner dans l’activité professionnelle

D’après l’Institut National de Recherche et de Sécurité, “les lombalgies chroniques représentent la première cause d’inaptitude médicale chez les salariés de moins de 45 ans “. En France, plus de 11 millions de journées de travail sont perdues chaque année à cause de la lombalgie. Difficile alors de nier l’impact considérable du mal de dos sur l’activité professionnelle. Les postes sédentaires, comme les postes de manutention, sont largement concernés.

Votre métier, quel qu’il soit, implique un ensemble de contraintes physiques (postures prolongées, efforts, mouvements répétés, etc) et mentales (stress, concentration, organisation, etc). Lorsque ces contraintes excèdent les capacités d’adaptation de votre organisme, il peut en résulter des Troubles Musculo Squelettiques.

Le kinésithérapeute participe à la lutte contre le mal de dos au travail, en agissant sur plusieurs de ces facteurs. Il peut par exemple vous apprendre à vous étirer et à alterner entre plusieurs postures. Il participe à adapter votre poste de travail, en collaboration avec un ergothérapeute et un ergonome. La collaboration se fait également, dans l’idéal, avec la médecine du travail.

Au fil des années, les modes de travail évoluent. La pandémie du coronavirus et la démocratisation du télétravail en sont un exemple important. Le télétravail a changé la vie de beaucoup de travailleurs, avec une diminution de l’activité physique journalière et des postes de travail souvent inadaptés. Est-ce votre cas ?

De nombreuses choses peuvent être mises en place pour vous aider, y compris des échauffements en début de journée. Un guide anti-mal de dos au bureau et en télétravail est également proposé sur Comprendre Son Dos.

Travailler spécifiquement certains aspects de la douleur chronique

Dans les dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la lombalgie commune, la kinésithérapie est un traitement de première intention pour les lombalgies à risque de chronicisation. En parallèle, un nombre croissant de kinésithérapeutes s’intéressent de près à la douleur chronique et s’y forment spécifiquement.

Nous avons évoqué plus haut certains facteurs de risque de chronicisation de la douleur : anxiété, peur, manque de contrôle, etc. Nous travaillons sur chacun de ces aspects, en respectant notre champ de compétences.

Un des aspects les plus importants du travail du kiné est la reprise de confiance dans les mouvements. Dès que possible, il s’agit de retrouver un mouvement aussi inconscient et spontané que possible. Cela passe également par le sentiment d’avoir un dos solide (à l’opposé d’un dos fragile et vulnérable, que l’on a peur de solliciter).

Lorsque les douleurs sont présentes depuis des mois ou des années, vous avez pris l’habitude de bouger et de vous tenir d’une certaine façon. Il arrive que ces habitudes participent à maintenir les douleurs. Le kinésithérapeute vous aide alors à explorer de nouvelles façons d’utiliser votre corps.

Pour faciliter cet apprentissage, tout un ensemble de techniques peut être utilisé : ressentir le mouvement soi-même avec ses mains ou via le contact du thérapeute, se voir dans un miroir, être guidé oralement, etc.

3 mythes sur la kinésithérapie pour le mal de dos

Plusieurs mythes sur l’action des kinésithérapeutes persistent malgré tous nos efforts de communication. Ces idées reçues sont souvent véhiculées par ignorance de nos compétences. En voici trois.

La première idée reçue est que notre action est uniquement locale. Nous resterions focalisés sur l’endroit qui fait mal, sans nous intéresser au reste. C’est faux depuis de nombreuses années : le bilan du kinésithérapeute est global et complet.

La deuxième idée reçue est que nous traitons les symptômes, au lieu de traiter les causes. Encore une fois, c’est faux car le bilan diagnostic kinésithérapique cherche justement à expliquer les causes du mal de dos.

La troisième idée reçue est que nos traitements sont essentiellement passifs. Beaucoup de patients n’ont connu que le fameux combo massage – chaleur – électrothérapie. Pourtant, cela n’est pas représentatif de ce qu’un kinésithérapeute peut vous proposer. Je conseille à tous de trouver un professionnel qui vous guidera réellement et qui vous apprendra à gérer vous-même votre mal de dos.

Collaborer avec les autres acteurs de santé

La kinésithérapie s’inscrit dans une prise en charge globale et pluridisciplinaire du mal de dos. Dans les cas de mal de dos chronique, une action isolée d’un seul professionnel de santé n’a que peu de chances de mener à un grand changement. Il est primordial de mettre en place une communication entre les différents intervenants.

Le kiné collabore avec le médecin prescripteur en premier lieu, puis avec les médecins spécialistes. Il communique les résultats de son bilan ainsi que la prise en charge qui a été choisie. En cas de besoin, il peut lui faire un retour sur l’évolution de la prise en charge.

Grâce au temps passé avec ses patients, le kinésithérapeute se rend parfois compte de la nécessité d’une prise en charge complémentaire, auprès d’un autre professionnel de santé. Rediriger une personne vers un autre thérapeute peut être crucial pour une efficacité optimale.

Le psychologue peut avoir un rôle important dans le mal de dos chronique. Les conséquences de la douleur pèsent lourd sur la santé mentale, et peuvent alimenter la douleur. La collaboration entre psychologue et kinésithérapeute peut alors mener à de bien meilleurs résultats.

Enfin, le kinésithérapeute peut être amené à collaborer avec d’autres professionnels comme :

  • les ergothérapeutes (dans l’adaptation du poste de travail, la gestion des activités, le maintien de l’autonomie)
  • les psychomotriciens (dans le travail sur les émotions et la représentation du corps)
  • les ergonomes (dans la réflexion sur l’activité professionnelle)
  • les enseignants en activités physiques adaptées.
  • les autres thérapeutes manuels (ostéopathes, chiropracteur, etc)

Conclusion

Le rôle du kinésithérapeute est multiple et concerne de nombreuses facettes du mal de dos. Cela semble cohérent avec une vision moderne qui place la douleur comme un phénomène biopsychosocial. Le kinésithérapeute est passé d’un rôle de “réparateur” qui “corrige” le défaut responsable de la douleur, à celui d’un guide spécialisé qui évalue et accompagne la personne dans sa globalité.

Cet article vous-a-t-il été utile?

Indiquez votre appréciation de l'article

Note des lecteurs 4.1 / 5. Nombre de votes 7

Si vous avez bénéficié de cet article

Merci de le partager avec vos proches

Merci de votre retour

Comment pouvons-nous améliorer l'article ?

Retour en haut