Syndrome d’Ehlers-Danlos: Mon histoire

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Le syndrome d’Ehlers-Danlos, vous connaissez ? Cette maladie génétique affecte non seulement l’intégrité physique des personnes atteintes, mais également leur quotidien, leur humeur, leur perception de soi et de la vie.

Pour mieux apprécier les conséquences de syndrome d’Ehlers-Danlos chez un individu, laissons Ornella Galvani partager son expertise et son témoignage relié à cette maladie qui touche des milliers de personnes à travers le monde. 

Note : Pour tout savoir sur le syndrome d’Ehlers-Danlos d’un point de vue médical (symptômes, diagnostic, traitements, pronostic et espérance de vie), consultez l’article suivant.

Les Syndromes d’Ehlers-Danlos, qu’est ce que c’est ? (Rappel)

 

« Les syndromes d’Ehlers-Danlos sont un groupe de maladies du tissu conjonctif qui peuvent être héritées et qui varient à la fois dans la manière dont elles affectent l’organisme et dans leurs causes génétiques. Ils se caractérisent généralement par une hypermobilité articulaire (articulations qui s’étirent plus que la normale), une hyperextensibilité de la peau (peau qui peut être étirée plus que la normale) et une fragilité des tissus. »

 

À ce jour, ils sont classés en treize formes différentes. Chaque forme a ses propres critères de diagnostiques. À ce jour, on connait les gènes provoquant 12 des 13 formes. Des recherches sont actuellement en cours pour identifier ceux à l’origine de la forme hypermobile (SED-h), forme la plus courante de ces syndromes. On estime qu’environ une personne sur 2500 à une personne sur 5000 ont un syndrome d’Ehlers-Danlos, mais des études récentes semblent montrer que la prévalence de ces syndromes pourrait être bien plus importante. Ces atteintes du tissus conjonctif provoquent de nombreux symptômes extrêmement variés, touchant la quasi-totalité du corps.

 

Parmi ces symptômes, des maux de dos dont il est question ici.

 

Une errance médicale souvent longue et des traitements inadaptés.

 

« Il a fallu 24 ans pour mettre un nom sur ce que j’avais et pourtant, je me suis plainte de maux de dos depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. »

 

Je suis atteinte d’un syndrome d’Ehlers-Danlos dont la forme reste encore à identifier. Il a fallu 24 ans pour mettre un nom sur ce que j’avais et pourtant, je me suis plainte de maux de dos depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. À 7ans les médecins parlaient de douleurs de croissance et de faiblesse musculaire au niveau du dos. J’ai commencé la kinésithérapie (physiothérapie). Les séances ne se passaient pas très bien. En effet les exercices n’étaient pas du tout adaptés à ma pathologie. J’étais suspendue par les bras, le dos contre un espalier avec comme consigne de remonter les genoux vers la poitrine. Quand on a des vertèbres instables je vous laisse imaginer les douleurs que peuvent causer l’appui des barres en bois. Et avec des épaules qui se subluxent en portant un sac de course, porter le poids de mon corps n’était pas une partie de plaisir. Mais à l’époque, les professionnels m’encadrant me disaient que j’étais une chochotte et que ce n’était pas si terrible, que tout le monde avait mal au dos.

 

J’ai déménagé et ai cessé ma prise en charge en kinésithérapie. J’avais toujours mal au dos, tous les jours, du lever au coucher. La douleur ne cessait jamais, seule l’intensité pouvait varier. Sur une échelle de 0 à 10 (0 étant l’absence de douleur, et 10 la pire douleur imaginable) je pense que j’ai toujours été entre 5 et 10. Ma douleur était toujours handicapante et certains jours je ne pouvais pas tenir debout plus de quelques secondes sans me mettre à pleurer tellement c’était insoutenable. Les médecins continuaient à parler de douleurs de croissance, à dire que j’étais une chochotte, et que tout le monde vivait bien avec des problèmes de dos. A force d’entendre ces phrases, j’ai fini par me dire que ce que je vivais était normal. Il n’a pas fallu longtemps avant que j’en conclue que si la douleur devait faire à ce point partie de la vie, alors la vie n’était pas un concept très plaisant.

J’ai vécu de mes 11 à 19 ans avec des maux de dos qui empiraient sans cesse, et des médecins qui fermaient les yeux. Il faut aussi imaginer que les maux de dos n’étaient pas seuls, et que de nombreux autres symptômes se manifestaient. Aucun traitement, qu’il soit médicamenteux ou de kinésithérapie, ne m’a été proposé. Heureusement, je n’ai jamais arrêté le sport, et c’est peut être ce qui a sauvé ce qui restait de mon dos. J’allais régulièrement chez l’ostéopathe de ma propre initiative. Il s’étonnait toujours de devoir réaligner l’intégralité de mon corps. J’ai appris par la suite que l’ostéopathie n’était pas toujours recommandée dans les syndromes d’Ehlers-Danlos car cela pourrait favoriser la souplesse, déjà trop importante, des articulations.

 

 

Vivre avec des douleurs au dos depuis toujours (ou presque)

 

« Quand tout le corps médical dit que c’est normal, qu’on est adolescente et qu’on y connait rien, on serre les dents, on avance comme on peut, on est en colère et on pleure beaucoup. »

 

Quand on vit en ayant mal au dos depuis toujours, la vie entière devient un challenge. Tout fait mal : prendre le bus pour aller à l’école, s’asseoir sur une chaise en bois, porter les manuels et cahiers dans un sac a dos, tirer un sac à roulette, encore s’asseoir pour manger, faire les devoirs, lever la main en classe, marcher de l’arrêt de bus à la maison, monter les escaliers, vider le lave vaisselle, cuisiner, faire la vaisselle … Toutes les activités du quotidien sont douloureuses. Et quand tout le corps médical dit que c’est normal, qu’on est adolescente et qu’on y connait rien, on serre les dents, on avance comme on peut, on est en colère et on pleure beaucoup.

 

Il aura fallu un déménagement de plus et une nouvelle médecin pour que ces douleurs soient prises au sérieux. Après une erreur de diagnostique et un combat pour avoir le bon, j’ai enfin été diagnostiquée avec un syndrome d’Ehlers-Danlos à 24 ans. J’ai longtemps éprouvé de la colère vis a vis de mes anciens médecins qui n’ont rien voulu voir ou chercher. J’ai eu des baisses de moral terribles car on se sent perdu, incompris et on souffre tous les jours.

 

C’est difficile de vivre avec une pathologie de ce type. On se lève le matin sans pouvoir faire confiance à notre corps. J’ai l’habitude de dire que le matin je compte les déserteurs. Je scanne mon corps de haut en bas a la recherche des articulations qui se sont déplacées pendant la nuit. Avec le temps, j’ai appris a remettre la plupart d’entre elles en place. Après avoir joué aux Lego avec mon corps, pendant de longues minutes parfois, j’ai mal mais je peux enfin bouger. Le reste de ma journée continuera sur le même mode. J’ai une vie pleine de surprises. Je peux tourner la tête pour regarder par la fenêtre et une vertèbre décidera de se désaligner et j’aurais des douleurs à 10 pour le reste de la journée au moins. Mais heureusement parfois la journée se passera seulement avec des subluxations mineures que je pourrais replacer facilement. Ces pathologies fonctionnent souvent par périodes de crises ou de mieux. En crise, les douleurs sont intolérables, il est impossible de faire quoi que ce soit, tous les symptômes se manifestent en même temps à leur maximum. Ces crises sont très difficiles à supporter aussi bien physiquement que moralement. Heureusement, j’en ai peu en ce moment.

Partir en vacances demande un peu plus de préparation. En plus des traitements médicaux, il faut penser aux attelles en cas d’entorse imprévue, aux orthèses habituelles pour les articulations qu’on ne peut pas renforcer (les doigts par exemple), à la bouillotte pour soulager des muscles fâchés. Souvent je prends aussi mon oreiller. Sur le trajet, ça permet de caler et maintenir en place des articulations qui veulent sortir prendre l’air et sur place ça garanti un meilleur sommeil et des cervicales reconnaissantes de ne pas perdre leurs habitudes.

Mais malgré toutes ces difficultés, aujourd’hui, je vis avec une maladie génétique mais je vais bien. J’ai appris a vivre avec et je réussis a vivre. Pas au même rythme que tout le monde, mais j’ai appris à l’accepter. Et en allant plus lentement, on profite mieux du paysage de toute façon. Je comprends mieux mon corps, je sais d’ou viennent mes douleurs et des traitements ont pu m’être proposés.

Quels sont les traitements possibles des maux de dos dans les syndromes d’Ehlers-Danlos ?

 

« Une écrasante majorité des personnes ayant un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile a mal au dos. »

 

Les syndromes d’Ehlers-Danlos sont un ensemble de pathologies génétiques dont il est impossible de guérir à ce jour. Les traitements proposés sont donc symptomatiques. Dans le cas des maux de dos, ils visent à soulager la douleur souvent par des traitement médicamenteux  (souvent lourds avec des anti-douleur puissants ou des morphiniques) associés à du renforcement musculaire pour stabiliser le dos. Des exercices respiratoires et de relaxation sont également prescrits en cas de crises aigues.

 

Une écrasante majorité des personnes ayant un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile a mal au dos. Ces douleurs peuvent être musculaires, avec des muscle souvent trop contractés, ou articulaires. En effet les articulations de ces personnes sont instables et souvent mal alignées. Cette instabilité touche fréquemment les articulations sacro- iliaques, causant alors un dysfonctionnement de ces articulations accompagné de douleurs au bas du dos et dans les hanches. En effet, le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile change la construction du cartilage et des ligaments, provoquant un mouvement trop important de ces articulations et donc des douleurs.

 

Selon l’approche préconisée par le célèbre physiothérapeute Kevin Muldowney, le signe le plus facilement remarquable est une douleur présente lorsqu’on appuie sur les fossettes des fesses du patient. Dans son livre « Living Life to the Fullest with Ehlers-Danlos Syndrome », il explique l’importance des articulations sacro-illiaques et de leur stabilisation dans les syndromes d’Ehlers-Danlos. En effet, les dysfonctionnements de ces articulations peuvent mener à des problèmes dans de nombreuses autres articulations du corps. Par exemple des douleurs dans les jambes liées à des subluxations ou une mauvaise posture de marche ou encore des douleurs au niveau du milieu du dos ou des cervicales causées par une dysfonction du sacrum et un mauvais alignement des vertèbres. C’est pourquoi il recommande aux kinésithérapeutes de travailler en premier lieu sur la stabilisation de ces articulations, afin de traiter les autres de manière plus efficace.

Une des causes principales des douleurs au niveau de la colonne vertébrale chez ces patients est appelée par K. Muldowney, une double rotation. Il s’agit d’une configuration ou une vertèbre du dos est tournée dans une direction et que la vertèbre au dessus de celle ci est tournée dans la direction opposée. Il note que ces doubles rotations peuvent se présenter à plusieurs niveaux dans la colonne vertébrale du patient. Il préconise cependant de ne pas y toucher tant que les articulations sacro-illiaques ne sont pas réalignées. Pour cela, il propose différentes techniques de manipulations et exercices de renforcement musculaire très progressifs. Sa méthode favorise la collaboration entre le patient qui doit suivre les exercices chaque jour chez lui et le thérapeute qui doit s’assurer que le patient ne va pas se blesser en faisant les exercices et qui s’assure du bon alignement des articulations.

Conclusion (note du gestionnaire du site Lombafit)

À travers le partage d’Ornella, j’espère que vous êtes plus à même de comprendre le syndrome d’Ehler-Danlos, de ses répercussions au quotidien, et des options thérapeutiques disponibles à ce jour. En tant que physiothérapeute (kinésithérapeute), je tiens également à apporter quelques précisions concernant l’instabilité articulaire causée par cette maladie. On entend souvent des gens ne souffrant PAS du syndrome d’Ehler-Danlos se plaindre du dos en raison de vertèbres « déplacées », « subluxées » ou « mal alignées ». Dans la grande majorité des cas, ces affirmations ne sont pas fondées, et dépourvues d’évidences scientifiques. Par contre, il faut savoir que le syndrome d’Ehler-Danlos affecte la production de collagène, une protéine qui donne l’élasticité et la force aux tissus conjonctifs (peau, tendon, ligaments, etc.).  Dans cette situation précise, il est en effet possible d’observer des instabilités articulaires en raison de l’hypermobilité. Quoiqu’il en soit, il est recommandé de consulter un professionnel de santé afin de bénéficier d’une prise en charge individuelle adaptée à ses besoins.

 

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